Interview de Fréderic Lepla, photographe des grands show pyrotechniques
Passionné de feux d’artifices, Frédéric Lepla tire le portrait des plus grands shows pyrotechniques aux quatre coins du monde. A l’approche des Masters de Feu 2019, nous lui avons demandé ce qui fait de la photographie d’art pyrotechnique une discipline si particulière.
Masters de Feu : Avant de parler photographie, qu’est-ce qui fait qu’un feu d’artifice est si magique ? Est-ce son côté éphémère ?
Fréderic Lepla : Le côté éphémère d’un feu est extraordinaire ! Un grand artificier français utilisait le slogan « Les peintres du ciel ». Effectivement, ces déflagrations, ces fumées et ces lumières donnent un magnifique mélange entre poésie et poudre noire ! Les feux nous rappellent notre émerveillement d’enfant, quand on disait : « la belle verte, la belle rouge »… Et tout cela était dans une succession plus ou moins harmonieuse. Maintenant, la magie est décuplée par la synchronisation entre un effet pyrotechnique et la musique qui l’accompagne. Il faut venir à Compiègne pour s’en rendre compte !
Comment vous êtes-vous spécialisé dans la photographie de feux d’artifice ?
J’ai lancé mon activité de photographie en 2010, à la base comme photographe généraliste : mariages, entreprise, concerts… Du classique, mais il est vrai qu’une de mes spécialités est devenue la photographie pyrotechnique. La passion de la pyrotechnie et la compatibilité de ces évènements avec mes horaires de travail m’ont permis de consolider cette spécialisation. Le réel décollage fut le spectacle pyrotechnique d’Annecy l’énergie d’une étoile en 2012, où après la publication sur les réseaux sociaux, j’ai été repéré par quelques artificiers. C’était le début de l’effet boule de neige.
Qu’est ce qui rend ce type de photographie si particulière ?
La photo pyrotechnique est l’association d’une multitudes de petites astuces photographiques qui, combinées entres elles, permettent d’obtenir de superbes images.
L’anticipation de la recherche d’un spot de photo, la connaissance des types de produits pyrotechniques sont quelques éléments parmi d’autres qui permettent de sortir de jolis clichés. Mais l’intérêt de la photographie pyrotechnique est de tromper la perception d’un show. Je m’explique, à titre comparatif, lors de la prise de vue d’un portrait on va utiliser une vitesse d’obturation de l’ordre de 1/250ème de seconde et l’on va figer l’image sur la « pellicule numérique ». En photographie de feux d’artifice, on utilise un temps d’exposition très long de plusieurs secondes, pouvant parfois dépasser la minute ! Cela permet de figer chaque effet et bombe d’artifice afin de remplir l’image. Toute la particularité de ce type de prise de vue est de remplir l’image… Sans tomber dans la surexposition et cramer sa prise de vue !
Est-ce important de faire intervenir le site dans la photo ? Par exemple à Compiègne, sur le site de l’hippodrome ?
Une photo de feu d’artifice, c’est avant tout une photo, donc on recherche une composition et un cadrage. C’est ce que je dis à mes « élèves » quand je donne des cours de photos.
Apprendre à composer une image doit être l’obsession de chaque photographe. En photographie pyrotechnique, ce sont ces mêmes règles qui s’imposent et incorporer un point fort, un symbole du lieu permettra de faciliter la compréhension de l’image. Entre une photo d’un ciel illuminé par un feu d’artifice et la même photo incorporant en plus la symbolique du lieu, l’élément d’architecture permet de donner un cachet plus sexy à la photo. L’exemple le plus simple est un des feux que j’ai couvert à Bruxelles (note : voir photo ci-dessous). Imaginez la même photo sans l’Atomium… Le cliché perd en efficacité et devient basique. Ici à Compiègne, j’aime incorporer l’élément important du lieu, à savoir les tribunes. Espérons que la météo soit avec nous cette année afin de produire ce type d’image !
Dans votre travail, quel matériel utilisez-vous ?
Le matériel n’est qu’un outil, et je suis passé du reflex plein format au petit « mirorless ». On passe d’un gabarit de parpaing à celui d’une briquette, très appréciable quand on voit les contraintes de poids des bagages des différentes compagnies aériennes. Blague à part, c’est surtout la possibilité d’adapter différentes optiques ultra grand angle, je pense à un des objectif que l’utilise très souvent, un Voigtländer12mm en monture Leica adapté sur ma monture Sony E. L’ensemble est très compact et performant.
Mais la principale raison du passage du reflex au mirorless est justement l’absence de miroir ! Ce fameux miroir qui se lève pour que la lumière irrigant le pentaprisme de visée soit dirigée vers le capteur. Ce mouvement entraine des vibrations pouvant très subtilement nuire à la qualité des images. Bref, dans la photographie pyrotechnique cette recherche d’absence de flou de bougé et de vibration passe d’abord par un bon trépied, puis par de petites astuces comme le blocage du miroir sur les reflex, puis l’absence de miroir. Chaque petit pas vers l’absence de vibration permettra de gagner en netteté sur de longs temps d’expositions.
Avez-vous un petit secret à partager pour tous les passionnés qui voudraient réussir une bonne photo de feu d’artifice ?
Je ne pense pas qu’il y ait de réel secret, mais plutôt une multitudes de petites astuces photographiques, qui combinées entres elles, permettent d’obtenir de superbes images.
Le premier truc de base est l’utilisation d’un trépied, afin de pouvoir utiliser une faible sensibilité ISO, donc limiter le bruit numérique et obtenir un temps d’exposition plus long.
Mon petit truc à moi, c’est l’utilisation de filtres gris neutre ND afin d’obtenir des temps d’exposition encore plus longs. Je suis d’ailleurs devenu ambassadeur d’Hoya, une marque de filtres ND japonais. J’adore utiliser ce type de filtres !
Mais s’il y a un conseil à donner, c’est de partager vos photos sur les forums et groupes dédiés sur les réseaux sociaux, comme sur le groupe Facebook les fous de pyro où chacun peut partager ses photos et interagir avec la communauté pour profiter de conseils afin de progresser.
Quels sont les destinations les plus exotiques où vous a emmené la photographie pyrotechnique ?
J’ai eu le privilège d’être missionné pour immortaliser beaucoup de shows à travers le monde, la liste est longue…
De Libreville au Gabon, à Montréal au Canada, en passant par le Qatar, ou bien plus récemment l’Ukraine, l’Arabie Saoudite, Venise, Bruxelles ou bien encore l’Egypte, le Maroc et la Pologne… Il est bien difficile de toutes les lister… Mais il y a quelques destinations qui restent en haut de la liste, comme ce feu d’artifice gigantesque datant de 2012, d’environ 80 minutes sur 3 kms de façade à Koweït City. J’ai du arpenter la ville toute la matinée afin de trouver le bon gratte-ciel donnant la plus belle vue sur l’emblème de la ville de Koweït : son château d’eau.
Un autre souvenir reste un feu à Montréal, où j’ai pu installer un appareil photo télécommandé en haut de la structure d’un grand huit… Et enfin une dernière destination surement moins exotique, quoique ce fut le château du méchant Drax dans le film de James Bond « Moonraker », je parle du très proche et très beau château de Vaux le Vicomte, où j’avais la chance d’être seul ou presque dans le magnifique jardin dessiné par Le Nôtre. Là je me souviens d’un feu d’artifice pour lequel je m’étais positionné tout au fond du parc, derrière la statue d’Hercule. En faisant mes photos, j’avais du effrayer les sangliers présents dans « ma » zone… Ou plutôt leur zone ! Je ne sais pas qui était réellement le plus effrayé !
Ce qui est drôle cette année aux Master de Feux 2019, c’est que trois de mes clients joueront lors de cette belle soirée à venir: le français Grand Final, l’Italien Parente et l’organisateur ARTEVENTIA.
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